La recherche de l’Inserm « Contexte des sexualités en France » a été menée à l’initiative de l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes. L’équipe de recherche associe des chercheurs et chercheuses en sociologie, démographie, épidémiologie et économie de l’Inserm, de l’Ined, du CNRS, de Santé publique France, de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et de l’Université de Strasbourg.
Des sexualités en pleine évolution
Depuis la dernière enquête de 2006, la société française a connu de nombreuses transformations tant sur le plan social et juridique, qu’économique et technologique. Ces transformations ont eu une incidence sur les représentations et les pratiques dans le domaine de la sexualité et de la santé sexuelle.
Conçue pour fournir des indicateurs clés permettant d’évaluer la stratégie nationale de santé sexuelle à l’horizon 2030, cette enquête 2023 a étudié les sexualités des français sous trois angles que sont les pratiques, les relations et les représentations.
Les chercheurs ont mis en évidence une évolution des pratiques sexuelles ces dernières années qui s’inscrit dans la tendance observée depuis plusieurs décennies. Cette diversification des représentations et des pratiques prend sa source dans un contexte social qui évolue fortement depuis ce début du XXIème siècle : évolution des rapports femmes/hommes, développement des espaces numériques, enjeux liés au consentement etc.
Le « paradoxe contemporain de la sexualité » : des pratiques plus diverses mais moins d’activité sexuelle
Mais ces premiers résultats mettent en lumière ce que les chercheurs ont qualifié de « paradoxe contemporain de la sexualité ». En effet, les ces derniers mettent en avant une plus grande diversité des pratiques, la prolongation de l’activité sexuelle aux âges avancés, l’extension des répertoires sexuels en même temps qu’une moindre intensité de l’activité sexuelle avec un.e partenaire.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour l'expliquer. D'abord une évolution dans les structures familiales avec des moins de 69 ans qui sont aujourd’hui moins susceptibles de vivre en couple, et qui vivent donc des périodes sans partenaire stable plus nombreuses.
Par ailleurs, chez les jeunes, les études montrent une dégradation de leur santé mentale suite à la pandémie de Covid-19, ce qui pourrait avoir modifiée leurs attentes en matière de sexualité. Une sexualité qui d'ailleurs n’est plus vécue uniquement via l’espace physique mais également via les espaces numériques.
Une autre explication à ces résultats est la remise en question de la disponibilité sexuelle des femmes. Ainsi, on remarque une diminution de la fréquence des rapports sexuels acceptés pour faire plaisir à son ou sa partenaire sans en avoir vraiment envie soi-même. Cette évolution est liée à la mobilisation sociale croissante contre toutes les formes de violences sexuelles avant, mais surtout après, la vague Me Too. Il en résulte une modification des cadres normatifs du consentement sexuel, avec la prise en compte par les enquêté·es d’événements qui n’étaient pas considérés auparavant comme des violences. Cependant les résultats de cette nouvelle enquête dressent un tableau de l’ampleur de ces violences qui demeure inquiétant.
En outre, l’enquête CSF 2023 atteste de la remise en cause de la sexualité hétéronormée. En effet l’acceptation sociale des orientations sexuelles non hétérosexuelles et des identités de genre diversifiées a considérablement progressé, bien que des résistances et des discriminations persistent. La visibilité des personnes transgenres, et plus largement des identités en dehors de la norme hétéronormée, témoigne d’un changement sociétal majeur.
Santé sexuelle : progrès et défis
L’étude révèle des progrès dans l’accès aux outils de santé sexuelle, mais aussi des lacunes persistantes. Si la contraception est largement répandue, 1 femme sur 10 reste sans protection, entraînant une augmentation des grossesses non souhaitées. La protection contre les IST lors des premiers rapports avec un nouveau partenaire reste insuffisante, et la couverture vaccinale pour le HPV et l’hépatite B demeure faible, en particulier chez les hommes.
Cependant, les outils numériques, bien qu’encore émergents, offrent des opportunités prometteuses pour une santé sexuelle plus accessible et moins médicalisée. Mais leur développement devra s’accompagner d’un encadrement rigoureux pour répondre aux standards de qualité nécessaires.
En définitive, l’enquête CSF-2023 dresse un tableau complexe des sexualités en France, entre transformations profondes et défis persistants, tout en fournissant des indicateurs précieux pour guider la stratégie nationale de santé sexuelle à l’horizon 2030.
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